Lignum Holzwirtschaft Schweiz

Construction bois et gestion du chantier

En phase chantier, le bâtiment est dans une situation transitoire et les conditions ne sont pas celles qui prévalent en exploitation. Les éléments de structure ou d’enveloppe peuvent alors être exposés aux intempéries, les aménagements nécessitent un séchage, et des étanchéités devront parfois être soudées à la flamme. S’il n’y a rien de nouveau dans ces faits, il n’est pas inutile de rappeler le cadre normatif ou technique permettant de s’affranchir de problèmes liés à cette période de chantier.

Projet Saaremaa State Highschool, Estonie, avec planchers bois protégés avec la membrane de protection Wetguard ®.
Photo : SIGA


Humidité de chantier
Les bâtiments que l’on construit aujourd’hui sont plus étanches à l’air, mieux isolés, ce qui accentue l’influence de l’humidité en phase chantier. Cette période de construction est susceptible de générer un excédent d’humidité à la fois sous forme d’eau liquide due aux intempéries alors que le hors-d’eau n’est pas encore réalisé, ou sous forme de vapeur d’eau du fait de l’évaporation des matériaux humides devant sécher après leur mise en oeuvre (bétons, plâtres, etc.). Or, l'évacuation de cette charge d’humidité est nécessaire pour éviter toute accumulation dans les éléments. Il arrive à contrario que la mise en fonction de la ventilation mécanique ou du chauffage en cours de chantier, en l’absence des conditions normales d’utilisation (absence d’eau dans les bassins de piscine, pas de présence humaine donc peu de rejet de vapeur, etc.) génère un assèchement important de l’air. Cet assèchement peut influencer le comportement de certains matériaux, avec l’apparition de fentes ou de fissures par exemple.
A ce titre, l’humidité de chantier devrait toujours être planifiée et contrôlée.

Que disent les normes
Les normes SIA traitent de la phase chantier. On trouve en effet des recommandations concernant la thématique de l’humidité dans la norme SIA 180 : 2014 « protection thermique, protection contre l’humidité et climat intérieur dans les bâtiments ».
En particulier au chapitre 6.3 « Prévention contre une humidité excessive dans les éléments de construction par diffusion et capillarité », il est mentionné que le déroulement du chantier doit être organisé de manière à permettre un séchage de la construction avant l’occupation. On trouve aussi au chapitre 6.4 « Prévention de trop grandes variations de formes des matériaux organiques suite à des trop longues périodes humides ou sèches » des recommandations sur les valeurs moyennes journalières de l’humidité relative de l’air intérieur.
Ainsi, jusqu’à 800 m d’altitude, les valeurs moyennes journalières de l’humidité relative de l’air intérieur doivent être généralement comprises entre 30% et 70% (pour une température de 21°C). Ces limites inférieures et supérieures ne devraient pas être dépassées pendant plus de 5 jours consécutifs par mois.

Matériaux hygroscopiques
Pour les matériaux de construction organiques et en particulier ceux qui ont des propriétés hygroscopiques comme le bois et ses dérivés, la gestion de l’humidité en phase chantier est primordiale. En effet, le bois va s’adapter à l’humidité de l’environnement et subir un retrait ou un gonflement. Les fluctuations de teneur en eau du bois induisent donc des variations de dimensions, qui doivent être prises en compte pour ne pas créer de désordres.
Il convient d’évaluer les variations dimensionnelles attendues et admissibles et de réaliser les éléments avec les jeux ou les compositions adéquates.

Exemple de détail permettant de limiter les effets du retrait du bois
Un cas particulier est celui de la résolution du détail de rive du plancher en façade. En effet, il est commun de constater dans cette situation une accumulation de bois posé transversalement, ce qui doit absolument être maîtrisé en termes de retrait / gonflement (fig 1).
Ces variations d’épaisseur sont à étudier sur l’ensemble des étages car, au regard de la hauteur du bâtiment et selon la conception (système comprenant de nombreux empilements ou des techniques en contenant peu), leur cumul peut avoir une incidence conséquente avec l’apparition de fissures dans les finitions rigides ou les cloisons non porteuses par exemple. Avec l’avènement des constructions bois de grande hauteur, ce détail doit être maîtrisé pour limiter la variation sur la hauteur totale de la construction (transmission des efforts par ferrures ou en bois de bout uniquement).

Fig 1 Schémas basés sur « Bois systèmes constructifs » J.Kolb, pour l’évaluation des tassements en considérant une variation de teneur en eau de 5% (pose à 15% et séchage à 10% par exemple), [en haut] structure avec cumul de bois transversal empilé, [en bas] liaisons en bois de bout et sur contreplaqué en limitant l’épaisseur de bois transversal.
© Dessin Cadwork
 
Par sécurité, il est conseillé de mettre en oeuvre le bois dont la teneur en eau ne dépasse pas 16%. En effet, au-delà, si celui-ci ne peut s’assécher correctement, il existe un risque de voir la teneur en eau excéder 20% ce qui présente un risque biologique. On évitera de même d’emprisonner les composants bois entre des couches étanches.
Il est recommandé de mettre en oeuvre les bois à une teneur en eau comparable à celle de l’élément en cours d’exploitation. A titre informatif, le tableau 2 – teneur en eau moyenne des éléments de construction – de la norme SIA 265 donne les valeurs
cibles selon la situation des éléments. D’autres recommandations, en particulier pour les éléments de finition comme les lames rabotées intérieures ou extérieures sont données par les associations comme l’Association Suisse des Raboteries VSH.
Fig2 Recommandations sur la teneur en eau du bois à la pose


Protection contre les intempéries
Pour limiter les reprises d’humidité excessives en cours de chantier conduisant à des déformations importantes, on doit avant tout protéger les éléments des intempéries et garantir une bonne ventilation en chantier avec éventuellement des contrôles réguliers des conditions ambiantes ou de la teneur en eau des éléments bois (voir fig 2).
Des produits dédiés sont ainsi développés par certains fabricants pour répondre à ces contraintes de chantier et permettre la pose d’éléments bois « protégés » pouvant être laissés exposés aux intempéries sans risque :

  • Les panneaux support d’isolation périphérique, posés sur l’ossature en chantier permettent une bonne protection des parois bois, comme les plaques de plâtre à armature en voile non-tissé résistante aux UV, à l’humidité et aux moisissures.
  • Certains panneaux de fibres de bois présentent une résistance aux intempéries de plusieurs mois, protégeant ainsi les ossatures bois support en cours de chantier.
  • Il existe aujourd’hui des membranes étanches à la pluie robustes et autocollantes sur toute leur surface pour la protection contre l’humidité sûre des éléments en bois verticaux et horizontaux pendant le transport, le montage et la durée des travaux.

Travaux à la flamme en cours de chantier
En matière de protection incendie, les chantiers représentent une situation transitoire particulière. Si certains risques liés à l’exploitation future ne sont pas encore caractérisés, par exemple un grand nombre de personnes, d’autres éléments de la sécurité incendie ne sont pas encore présents. Il s’agit par exemple - en ce qui concerne les éléments liés à la construction-, des revêtements de protection incendie et des fermetures coupe-feu telles que les portes ou les obturations.
Afin d’assurer la sécurité incendie également dans cette phase, il convient d’élaborer un concept de sécurité incendie sur le chantier que le chef de projet de l’entreprise en charge des travaux est tenu de respecter. L’assurance immobilière Berne propose sur le site heureka.ch les indications concernant le contenu d’un tel concept comprenant notamment les points suivants qui couvrent les aspects architectonique, technique et organisationnel :

  • objectifs de protection et dangers prépondérants
  • organisation de la sécurité avec mention des personnes responsables
  • plan de situation avec possibilités d’accès offertes aux sapeurs-pompiers et aux services de sauvetage (entrées, accès aux bornes hydrantes, accès d’intervention au bâtiment)
  • plan de situation (par exemple emplacement de stocks de gaz, dépôt de liquides inflammables, lieu de rassemblement)
  • mesures en accord avec les forces d’intervention (sapeurs-pompiers, ambulances et la police)
  • autant que possible, représentation graphique (pictogrammes) des mesures de sécurité incendie organisationnelles, architectoniques et techniques sur les plans actuels.

Dans le cadre du chantier, certains travaux représentent une menace singulière. Ceux qui comportent des actions avec une flamme nue, comme lors du soudage de lés d’étanchéité sur un matériau combustible comme le bois, ont pu ainsi se révéler problématiques. L’association Enveloppe Suisse des édifices a donc édité une brochure disponible sur son site, reconnue par l’AEAI comme un état de la technique en ce qui concerne les travaux décrits.

Il convient dès lors de s'y conformer, en particulier en ce qui concerne les distances de sécurité, la nécessité d’avoir à disposition des moyens d’extinction adaptés, et la surveillance une fois les travaux achevés. Ces éléments sont un support pour l’entreprise qui lui permettent d’assumer sa responsabilité et de garantir à son client que les mesures nécessaires ont été prises, gage d’un respect des délais et d’une mise en exploitation conforme au plan d’investissement du maître de l’ouvrage.

Conclusion
Des détails constructifs adéquats, de la ventilation des locaux et une bonne protection en chantier des ouvrages exposés sont souvent suffisants vis-à-vis des reprises d’humidité. De même, un contrôle spécifique et un concept de protection incendie pour la phase chantier sont des mesures satisfaisantes pour répondre aux risques de départs de feu.

Nul besoin de complexifier la période de chantier pour éviter les écueils liés à l’humidité ou au risque d’incendie. Une maîtrise consciente des paramètres d’influence suffit en général à atteindre les objectifs.


Pour plus de renseignements: 
Cedotec, Office romand de Lignum
021 652 62 22
info(at)cedotec.ch 

Article du service technique du Cedotec Office romand de Lignum paru dans l'IDB no 7 de juillet 2022 de la FRECEM. Texte Lucie Mérigeaux. et Denis Pflug